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Le virus SARS-Cov-2 (Covid-19) apparaît officiellement en Chine en décembre 2019. Quoique membre de la famille connue des coronavirus, il s’agit d’un nouveau venu dont les caractéristiques virologiques, épidémiologiques, cliniques et pronostiques sont progressivement appréhendées.
Au cours du mois d’avril 2020, des services pédiatriques de Lombardie, épicentre à ce moment de la pandémie de Covid-19 en Europe, ont publié des alertes à propos de nourrissons et d’enfants chez lesquels à une infection par la Covid-19 a été diagnostiquée. Une maladie très particulière, connue depuis une trentaine d’année, appelée « maladie de Kawasaki » a été mise en évidence, ce qui a été retrouvé à Paris, Londres et Washington et ailleurs et confirmé au cours des mois .
Cependant, la forme actuelle observée lors de cette pandémie de Covid 19 n’est pas exactement identique à la maladie de Kawasaki d’origine. Pour différencier les deux entités, on nomme la maladie actuelle « Syndrome Inflammatoire Multisystémique Pédiatrique » puisqu’il s’agit d’enfants fébriles souffrant d’une atteinte de plusieurs organes. L’acronyme PIMS (d’après la nomenclature anglaise) la définit parfaitement.
En effet, de quoi s’agi-il ?
Le PIMS actuel et la maladie de Kawasaki qui lui est antérieur sont très proches en dépit de quelques différences. Les enfants souffrant de la Covid 19 sont certes plus âgés (âge moyen sept ans), la cause infectieuse virale est avérée, les profils immunitaires et épidémiologiques sont différents mais ces deux groupes d’enfants ont en commun d’être menacés par une possible exacerbation des facteurs inflammatoires qui ont fait parler d’ « orage cytokinique » très fébrile et par une atteinte vasculaire susceptible de concerner tous les organes, notamment le cœur, son muscle (le myocarde) et ses artères (les artères coronaires), mais aussi les poumons, le cerveau et le système neurologique, le rein et finalement tous les organes peuvent être atteints.
Il y a de plus une différence majeure entre la maladie de Kawasaki et la forme PIMS de la Covid 19 nouvellement individualisée. La survenue des syndromes PIMS peut en effet être décalée par rapport à la contamination de l’enfant et surtout par rapport à sa guérison et on considère que ce délai, qui est le plus souvent de deux ou trois semaines, peut aller jusqu’à six semaines .
En cette période de pandémie, tous ceux qui sont en charge d’enfants doivent penser à cette possibilité, certes pas fréquente en terme de statistique (5/100.000 cas d’enfants confirmés comme positifs) mais qui concerne un nombre absolu d’enfants certainement non négligeable compte tenu du nombre très important des enfants infectés par la Covid.
La Haute Autorité de Santé française (HAS) rapporte en effet 826 cas entre le 2 mars 2020 et le 26 décembre 2021 dont 745 directement liés à une infection Covid.
La gravité est certaine puisque 71% de ces enfants (530 cas) souffraient d’une myocardite, 40% (331 enfants) ont été admis en réanimation et 26% (217 enfants) ont dû être traités en unité de soins critiques. Compte tenu de la qualité et des progrès des traitements médicamenteux (anticoagulants, anti-inflammatoires, corticoïdes, immunoglobulines etc…) et des prises en charge techniques cardiaques et respiratoires (y compris l’assistance cardiaque et respiratoire par appareil d’oxygénation extracorporelle dit « ECMO ») , la HAS rapporte malheureusement un décès certainement secondaire à une inflammatoire majeure incontrôlable avec atteinte cardiaque d’un enfant âge de 9 ans.
Le ministère de la santé en Israël et l’Association des pédiatres Israéliens communiquent le 31 Janvier 2022 que 220 cas de PIMS ont été diagnostiqués chez des enfants âgés de moins de 18 ans dont 55% ont dû être hospitalisés en réanimation. On déplore deux décès. Un décès est certainement dû à ce syndrome et uniquement à lui tandis qu’un autre enfant souffrant de comorbidités est aussi décédé. Un nouveau-né souffre de complications neurologiques graves.
On rapporte une récente augmentation du nombre de diagnostics . Au 31 janvier 2022, 177 enfants sont hospitalisés pour Covid 19 dans les hôpitaux israéliens avec 17 formes graves (PIMS).
Compte tenu de la gravité potentielle de cette affection, la mortalité est faible mais la gravité est réelle. Elle peut être réduite considérablement par deux types d‘action.
- D’abord la précocité du diagnostic : en cette période de pandémie tous ceux qui sont en charge d’enfants : parents, familles, enseignants, médecins et « paramédics » et autres doivent être vigilants et doivent savoir penser à cette éventualité d’après une grande variété de signes cliniques et biologiques
- L’analyse des signes cliniques
- Une fièvre supérieure à 38°5 persistante et résistante aux traitements. Au delà de quatre jours, le PIMS (ou le Kawasaki) doivent être certainement évoqués
- Des adénopathies cervicales significatives et non purulentes
une cheilite sèche et une sécheresse des lèvres fissurées, énanthème buccal et pharyngite, - Une éruption cutanée ressemblant à la rougeole ou à la scarlatine avec certaines localisations plus évocatrices (tronc, membres , visage et régions périnéales, les paumes des mains avec desquamation au cours de l’évolution et plantes des pieds )
- Une irritablilité et toute une série de signes possibles tels des signes digestifs (douleurs, diarrhée, vomissements), des arthralgies, des signes neurologiques et méningés, des signes cardiovasculaires
- Ce sont ces signes qui doivent faire penser au diagnostic de PIMS/Kawasaki. On doit considérer la possibilité d’une myocardite ou d’une péricardite et d’atteintes coronaires possibles avec des examens qui doivent être proposés.
- Ces examens sont :
- biologiques à la recherche de critères d’infection et d’inflammation et enzymes cardiaques
- cardiologiques : à la recherche d’un électrocardiogramme surtout échocardiographie Doppler qui établira rapidement le diagnostic cardiaque éventuel.
Tout ceci est apparemment bien inquiétant quand tous les signes sont présents ce qui n’est heureusement pas toujours le cas, mais des signes dégradés ou fragmentaires risquent de retarder le diagnostic.
Il faut se rappeler qu’une fièvre prolongée résistante après quatre jours associée à deux des signes énoncés doit être considéré comme PIMS jusqu’à preuve du contraire, preuve affirmée par un médecin spécialiste
Qu’on soit parent ou médecin (ou les deux…), il faut savoir faut penser à l’éventualité du diagnostic de PIMS dans ce contexte épidémique pour orienter dès que possible l’ enfant ou son patient vers les centres adaptés.
Il faut y penser même si l’ensemble des signes n’est pas présent.Il faut y penser même si l’affection initiale paraît être bénigne. Il faut y penser même si la contamination et la guérison sont derrière l’enfant et sa famille et datent de deux à six semaines.
Il faut y penser pour pouvoir agir vite ! :
- a) La rapidité de la mise en œuvre des traitements disponibles et adaptés est une condition majeure pour prévenir l’apparition et le développement des formes graves et pour obtenir une régression ad integrum des signes cliniques, généraux, neurologiques et cardiologiques
- b) Un autre moyen de prévenir les formes graves est la vaccination évidemment indispensable chez tout enfant présentant des comorbidités mais conseillée par les sociétés de pédiatrie chez l’ensemble compte tenu de la gravité potentielle, non obligatoire et réalisée à la demande des parents qui souhaitent exclure tout risque de forme grave (heureusement rare), de complications encore inconnues qui pourraient atteindre leur enfant ou de ce qu’il est convenu d’appeler « COVID long » encore bien méconnu.
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